Résumé de l’article
- Origine : tradition millénaire des peuples nomades d’Asie centrale (Mongolie, Kazakhstan)
- Le nom local : Airag en mongol, Koumiss en turc, base de tous les laitages équins
- Fabrication unique : à partir de lait de jument fermenté naturellement dans des outres
- Types principaux : Byaslag (fromage frais) et Aaruul (fromage séché dur)
- Goût caractéristique : acidulé, légèrement alcoolisé, avec des notes chevalines
- Saison limitée : production seulement 4-5 mois par an selon la lactation
- Tradition vivante : encore fabriqué par les familles nomades mongoles
- Défi gustatif : goût très particulier que peu d’Occidentaux apprécient
Alors là, on entre dans le territoire des fromages vraiment exotiques ! Le fromage de jument, c’est probablement ce qu’il y a de plus dépaysant au monde en matière fromagère. Après 15 ans dans le métier, je peux te dire que c’est le seul fromage que j’ai découvert qui soit naturellement alcoolisé ! Et crois-moi, quand tu goûtes ça pour la première fois dans une yourte mongole, tu n’oublies jamais cette expérience…
L’histoire nomade d’un fromage pas comme les autres
Les origines des steppes
Le koumis, appelé aïrag par les Mongols, est une boisson à base de lait fermenté de jument ou de chamelle, originaire d’Asie centrale. Cette tradition remonte à plusieurs millénaires et constitue la base de toute la culture fromagère équine.
Une civilisation du cheval
Pour comprendre le fromage de jument, il faut comprendre les peuples nomades. En Mongolie, au Kazakhstan, en Kirghizie, le cheval n’est pas qu’un moyen de transport – c’est la vie ! Les familles nomades vivent littéralement du cheval : transport, viande, et surtout… le lait !
La tradition de l’Airag
Le koumiss est appelé « airag » en Mongolie et est considéré comme la boisson nationale mongole. Mais ce qu’on sait moins, c’est qu’à partir de cet airag, les nomades fabriquent différents types de fromages absolument uniques.
Marco Polo et les Mongols
Les explorateurs européens décrivaient déjà cette tradition au 13ème siècle. Marco Polo lui-même mentionnait cette « boisson blanche des cavaliers » qui les rendait si résistants dans leurs conquêtes.
La carte d’identité du lait de jument
Un lait pas comme les autres
Le lait de jument contient beaucoup plus de vitamines que les autres produits laitiers, mais il a des caractéristiques très particulières :
- Moins de matières grasses que le lait de vache (1,5% contre 3,5%)
- Plus de lactose (6,7% contre 4,8% pour la vache)
- Composition proche du lait maternel humain
- Fermentation spontanée très rapide
La production saisonnière
Contrairement aux vaches, les juments ne donnent du lait que pendant leur période de lactation naturelle, soit 4 à 5 mois par an maximum. Une jument produit environ 10-15 litres par jour, qu’elle partage avec son poulain !
Le défi de la traite
Traire une jument, c’est tout un art ! Le lait obtenu lors de la traite est versé dans de grandes outres en peau (souvent de bœuf) ou des seaux en bois. Ça demande une technique particulière et beaucoup de patience.
La fabrication traditionnelle : entre fromage et alcool
L’Airag : la base de tout
Tout commence par l’airag, lait de jument fermenté grâce à une combinaison de bactéries lactiques et de levure. Cette fermentation mixte donne une boisson à la fois acide et légèrement alcoolisée (2-3°).
Le processus ancestral
Naturellement une fermentation mixte (lactique et alcoolisée) s’opère dans les outres. Les nomades brassent régulièrement le mélange avec un bâton en bois pour homogénéiser la fermentation.
De la boisson au fromage
À partir de cet airag fermenté, les familles mongoles fabriquent deux types principaux de fromages :
Le Byaslag : le fromage frais de jument
La définition
Byaslag is a type of cheese curd made from fermented milk, typically from cow, yak, or goat milk, mais les versions à base d’airag de jument sont considérées comme les plus nobles.
La fabrication du Byaslag d’airag
Le Byaslag est fait en ajoutant du yaourt dans du lait frais, puis chauffé à feu doux. Le lait caillé est filtré à travers un tissu, puis enveloppé et placé entre 2 objets plats lourds pour retirer le liquide.
Mes impressions gustatives
J’ai eu la chance de goûter du vrai Byaslag d’airag chez une famille nomade. C’est… déstabilisant ! Imagine un fromage blanc très acide avec une pointe d’alcool et cette saveur « chevaline » caractéristique. Pas désagréable, mais vraiment unique !
La texture particulière
Le Byaslag d’airag est moins compact que nos fromages frais européens. Il a une texture granuleuse, légèrement élastique, qui colle un peu aux dents.
L’Aaruul : le fromage séché des nomades
Le fromage de la survie
L’Aaruul (ааруул) – fromage caillé séché, que beaucoup de Mongols traitent à la fois comme bonbon et comme leur en-cas de choix. C’est la version « fromage de voyage » des nomades !
La fabrication extrême
Après avoir drainé le petit-lait, les familles nomades extraient autant de liquide que possible et travaillent le caillé restant sous une grande variété de formes et de tailles.
Mon expérience avec l’Aaruul d’airag
L’Aruul vient sous beaucoup de formes et tailles, est fait de caillé séché (yaourt) et se conserve pendant des années. Celui fait à partir d’airag de jument est particulièrement dur et acidulé !
L’art de la conservation
Les nomades sèchent l’Aaruul pendant des mois dans les vents des steppes. Résultat : un fromage dur comme de la pierre qui se conserve des années sans réfrigération.
Le goût unique : un défi pour les papilles occidentales
Ma première dégustation
Je me souviens de ma première gorgée d’airag dans une yourte mongole. Le guide m’avait prévenu : « C’est fort ! » Euphémisme ! Le Koumiss est un goût acquis que beaucoup d’Occidentaux n’apprécient pas.
Les saveurs caractéristiques
Le fromage d’airag, c’est un mélange de :
- Acidité marquée (fermentation lactique)
- Pointe d’alcool (fermentation alcoolique)
- Notes chevalines très particulières
- Salé-aigre avec des nuances métalliques
- Arrière-goût persistant qui reste longtemps
Pourquoi c’est si déroutant ?
Notre palais occidental n’est pas habitué à ces saveurs « animales » marquées. Le fromage de jument a ce goût caractéristique qu’on retrouve nulle part ailleurs – une signature gustative unique au monde !
Les variétés régionales
L’Airag mongol classique
La version la plus connue, fabriquée dans les yourtes avec des techniques ancestrales. Chaque famille a ses petits secrets de fermentation.
Le Koumiss kazakh
Plus fort en alcool que la version mongole, souvent affiné plus longtemps. Les Kazakhs en font même des versions « extra-fortes » à 5-6° d’alcool !
Le Koumiss kirghize
Version des montagnes, où l’altitude modifie la fermentation. Plus sec et plus concentré que les versions des plaines.
Les versions de chamelle
Dans certaines régions, on fait du fromage avec du lait de chamelle fermenté. Encore plus exotique si c’est possible !
La production moderne : entre tradition et adaptation
Les familles nomades aujourd’hui
Ces contenants tendent à être remplacés par de grands seaux en plastique. Même chez les nomades, la modernité s’immisce doucement dans les traditions !
Les tentatives d’industrialisation
Quelques pays d’Asie centrale ont essayé d’industrialiser la production, mais ça ne marche jamais vraiment. L’airag et ses fromages, c’est de l’artisanat pur !
Le défi de l’export
Impossible d’exporter ce type de fromage – il faut le consommer frais sur place. C’est ce qui rend cette expérience si unique et précieuse.
Mes anecdotes des steppes
L’hospitalité mongole
Chez les nomades, refuser l’airag ou son fromage, c’est une insulte ! J’ai dû faire bonne figure même quand mes papilles criaient au secours…
La technique de dégustation locale
Les Mongols m’ont appris à boire l’airag d’un trait, sans respirer. Pour le fromage, ils le mangent par petites bouchées avec du pain traditionnel.
L’incident de la fermentation
Un jour, j’ai voulu ramener de l’airag en France. Résultat : explosion dans l’avion ! La fermentation avait continué pendant le voyage. Leçon apprise !
La réaction de mes clients
Quand je raconte ces expériences en boutique, je vois trois types de réactions :
- Les curieux : « Il faut que j’essaie ça ! »
- Les dégoûtés : « Du fromage de cheval ? Jamais ! »
- Les aventuriers : « Quand partez-vous en Mongolie ? »
Les propriétés nutritionnelles exceptionnelles
Un aliment complet
Le lait de jument n’est pas obligé d’être bouilli et est principalement consommé à des fins thérapeutiques. Les nomades lui attribuent des vertus médicinales exceptionnelles.
La richesse vitaminique
Le fromage d’airag concentre :
- Vitamines B en abondance
- Vitamine C (rare dans les laitages !)
- Probiotiques naturels de la fermentation
- Minéraux concentrés par le séchage
Les vertus traditionnelles
Les peuples nomades attribuent à l’airag et ses fromages des propriétés :
- Digestives et détoxifiantes
- Fortifiantes pour les convalescents
- Énergétiques pour les longues chevauchées
- Anti-âge (les anciens en consomment quotidiennement)
L’usage culturel et social
Le fromage de l’hospitalité
Le fromage mongol ou byaslag est très nutritif et est considéré comme le laitage du respect. C’est ce qu’on offre aux invités de marque !
Les rituels saisonniers
Pendant les mois d’été, les Mongols mangent traditionnellement très peu de viande et se nourrissent plutôt de produits laitiers. C’est la « saison blanche » où les fromages d’airag sont rois !
Le commerce traditionnel
Dans les marchés d’Asie centrale, l’Aaruul d’airag se vend comme nos bonbons. C’est la friandise naturelle des enfants nomades !
Où goûter du vrai fromage de jument
En Mongolie
C’est évidemment là qu’on trouve l’authentique. Dans les yourtes des familles nomades, dans les marchés d’Oulan-Bator, lors des festivals traditionnels…
Au Kazakhstan et en Kirghizie
Ces pays perpétuent aussi la tradition, avec leurs propres variantes régionales.
Les tentatives européennes
Quelques fermes équines en Europe tentent de produire de l’airag, mais ça reste anecdotique et très différent de l’original.
L’impossible import
Tu ne trouveras jamais de vrai fromage d’airag en France – il se dégrade trop vite et la réglementation l’interdit de toute façon !
Mon verdict de fromager explorateur
Le fromage de jument, c’est l’Everest culturel du fromage ! Pas le plus accessible, certainement pas le plus « facile », mais probablement le plus authentique et dépaysant au monde.
Est-ce que je le recommande ? Pour l’expérience culturelle, ABSOLUMENT ! C’est un voyage dans le temps et dans l’espace. Pour le plaisir gustatif… il faut vraiment aimer l’aventure et avoir l’esprit ouvert !
Le paradoxe moderne : voir ces traditions millénaires résister à la mondialisation me rassure. Dans un monde uniformisé, il reste encore des saveurs vraiment authentiques et uniques.
Mon conseil : si tu as l’occasion d’aller en Mongolie ou au Kazakhstan, n’hésite pas une seconde ! C’est une expérience inoubliable qui change ta vision du fromage et de la diversité culturelle.
Ce que ça m’a appris : le fromage, avant d’être plaisir, était survie et adaptation. Ces peuples nomades ont créé des merveilles nutritionnelles avec ce qu’ils avaient sous la main. Respect total !
Une dernière chose : le fromage de jument nous rappelle que nos goûts sont culturels. Ce qui nous semble bizarre est délicieux ailleurs. L’humilité, c’est la première qualité d’un bon fromager ! 🐎
Et la prochaine fois que tu te plains que le Maroilles a du caractère, pense aux bergers mongols et à leur Aaruul d’airag. Tu relativiseras ! 😄