Fabrication de la burrata : analyse biochimique de sa texture unique

Résumé :

  • La burrata combine deux technologies fromagères distinctes : la pâte filée pour l’enveloppe et l’émulsion pour le cœur
  • Le processus de filage s’effectue entre 55°C et 85°C, provoquant la dénaturation contrôlée des protéines du lait
  • La composition protéique comprend majoritairement des caséines qui donnent la structure élastique
  • La stracciatella résulte d’une émulsion stable entre matière grasse (32-35%) et phase aqueuse
  • L’épaisseur de l’enveloppe (2-3mm) dépend de l’orientation des fibres protéiques créées par étirement

La transformation du lait en caillé

La fabrication de la burrata commence par l’ajout de présure dans le lait chauffé à 35°C. Cette enzyme naturelle découpe spécifiquement les protéines du lait appelées caséines, transformant le lait liquide en une masse gélatineuse. Les caséines représentent environ 80% des protéines du lait et se répartissent en différentes familles : 40% de caséines αS1, 35% de caséines β et 12% de caséines κ selon les analyses biochimiques.

Cette réaction de coagulation crée un réseau tridimensionnel qui emprisonne les globules de matière grasse et l’eau. Le pH optimal de 6,5 permet une coagulation homogène en environ 30 à 45 minutes, formant un caillé suffisamment ferme pour supporter les étapes suivantes.

Le secret du filage thermique

L’étape qui distingue la burrata des autres fromages est le filage thermique. Le caillé est plongé dans de l’eau très chaude à 85°C, ce qui provoque une transformation remarquable des protéines. À cette température, les caséines deviennent temporairement plastiques et peuvent être étirées comme de la pâte à pain.

Cette plasticité thermique permet aux fromagers de manipuler la pâte en l’étirant et la repliant sur elle-même. Ce travail mécanique oriente les chaînes protéiques dans le même sens, créant des fibres parallèles qui donnent à l’enveloppe sa résistance et son élasticité caractéristiques. Le refroidissement rapide fixe définitivement cette structure fibreuse.

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La science derrière l’épaisseur de l’enveloppe

L’épaisseur régulière de 2 à 3 millimètres de l’enveloppe résulte d’un équilibre délicat entre la température de travail et la force d’étirement appliquée. Plus la pâte est chaude, plus elle est malléable, mais trop de chaleur peut la rendre fragile. Les fromagers experts maintiennent la température entre 55°C et 65°C lors du façonnage final.

La teneur en eau du caillé, qui représente 52 à 58% du poids total, influence directement la facilité de manipulation. Une pâte trop sèche se casse, tandis qu’une pâte trop humide ne tient pas sa forme. Cette maîtrise technique explique pourquoi la burrata reste une spécialité artisanale.

La création de la stracciatella

Le cœur fondant de la burrata, appelé stracciatella, nécessite une technique particulière. Des lamelles de pâte filée encore tiède sont effilochées à la main et mélangées à de la crème fraîche. Cette combinaison crée une émulsion où les fragments de mozzarella flottent dans la crème.

La stabilité de cette émulsion dépend de plusieurs facteurs scientifiques. La matière grasse représente 32 à 35% de la stracciatella, créant une texture à la fois crémeuse et structurée. Les phospholipides naturellement présents dans la crème agissent comme des émulsifiants, empêchant la séparation des phases grasses et aqueuses.

L’assemblage final et ses défis techniques

L’enveloppe de pâte filée est façonnée en forme de bourse, remplie de stracciatella, puis fermée par torsadage. Cette opération doit être réalisée rapidement car la pâte durcit en refroidissant. Le point de fermeture, appelé « nodino », demande une grande dextérité pour assurer l’étanchéité.

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La température de la stracciatella au moment de l’assemblage influence la durée de conservation du produit fini. Trop chaude, elle accélère les réactions enzymatiques internes. Trop froide, elle peut provoquer un choc thermique qui fragilise l’enveloppe. La température optimale se situe autour de 18-20°C.

Les mécanismes de conservation et d’évolution

Une fois assemblée, la burrata continue d’évoluer chimiquement. Les enzymes naturelles du lait hydrolysent progressivement les matières grasses, libérant des acides gras courts qui développent les arômes. Cette maturation doit être contrôlée car elle peut aussi provoquer des défauts de goût.

La perméabilité sélective de l’enveloppe permet les échanges gazeux nécessaires au développement aromatique tout en protégeant le cœur crémeux. Cette propriété unique explique pourquoi la burrata doit être consommée dans les 48 heures pour préserver son équilibre textural optimal.

Pourquoi cette texture si particulière

La texture unique de la burrata résulte de la combinaison de deux structures très différentes. L’enveloppe présente une architecture fibreuse avec des pores de 10 à 50 micromètres visibles au microscope, créant une certaine fermeté élastique. Le cœur montre une dispersion aléatoire de globules lipidiques de 1 à 10 micromètres, générant une fluidité visqueuse.

Cette organisation bicouche explique le contraste sensoriel caractéristique : résistance initiale sous la dent suivie de l’écoulement crémeux du cœur. La maîtrise de ces phénomènes physico-chimiques complexes nécessite une expertise fromagère approfondie et un contrôle qualité rigoureux à chaque étape de production.

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